ECHOS coiffure n°68 : Nicolas Jurnjack Passeur de Beauté
Alors comment est-il en vrai, ce maître des backstages ? Snob, mondain ? Bah, on ne passe pas plus de trente ans sur la planète mode sans en porter les stigmates. Telles ces expressions faisant la part belle aux anglicismes ou une certaine vision du monde en grand. Dédaigneux, alors ? Ah non. Plutôt direct même. Dense et léger. Et drôle. Impossible de le prendre au sérieux avec ses yeux rieurs et ce très léger accent du Sud qui ne l’a jamais totalement quitté. Il déploie aussi de façon très naturelle, cette politesse extrême malgré l’air glacial des cités qui continue à lui souffler dans le dos. Cet air qui l’a élevé et qui fit que tout devint pour lui une question de vie et de mort.
S’enfuir à toutes jambes de son milieu violent, se faire accepter coûte que coûte par le microcosme parisien des studios. Non sans mal. Alors qu’il faisait le pied de grue à la réception des magazines, “la cause d’un gamin de 18 ans venu des HLM du nord de Marseille n’intéressait personne”, explique-t-il dans son livre de conversations que tout jeune coiffeur ambitieux devrait avoir pour lecture de chevet.
Encore une question de vie ou de mort quand il risque la catastrophe d’une coiffure haut perchée fixée par une seule et pauvre épingle, sur Naomi Campbell lors du show décisif d’Alexander McQueen pour Givenchy.
Mais qu’est-ce qui pousse aujourd’hui l’homme à la centaine de couvertures de Vogue à se rapprocher des coiffeurs?
Un projet fou. L’envie de transmettre. D’offrir aux autres les opportunités et la culture qu’il a dû arracher par la force,lui qui a lu son premier livre à 18 ans, Au bonheur des Dames, trouvé dans la rue. Puis, qui ne s’est plus arrêté, enchaînant les classiques de la littérature et de la philosophie, les ouvrages historiques sur la coiffure et biographies de peintre. “Je voulais savoir ce que les artistes avaient dans la tête. Lire me donnait une légitimité”, analyse-t-il. L’utra-perfectionniste Nicolas Jurnjack ne veut noyer personne sous les paillettes : le talent c’est avant tout des heures et des heures de travail, de réflexion, de remise en question à la recherche de l’inspiration. Et le coiffeur reste la dernière roue du carrosse des shows. Il doit sans cesse s’adapter, se plier aux contraintes, être malléable, ravaler son égo.
Mais aujourd’hui, ce prince des studios ne supporte pas que la coiffure ne fasse plus rêver et que la France perde son leadership. La fameuse French Touch est en train de déserter la mode. Derrière le fleuron des marques françaises, les créateurs ne s’appellentils pas Alexander McQueen, John Galliano ou Stella McCartney ? Pareil pour la scène coiffure, de moins en moins tenue par des Français.
Nicolas est triste de voir que le métier qui l’a sauvé, l’a construit, n’intéresse plus personne en 2017, de constater que le CFA Henry Croizat va fermer. “J’ai rencontré les directeurs d’établissement et responsables de chambre des métiers de Paris : sur 2000 inscris l’an dernier en coiffure, seulement 150 se sont présentés au CAP. Pas très étonnant quand on voit que ce qui est enseigné est inapplicable en salon. Ne vaudrait-il pas mieux leur apprendre à réaliser la coiffure de Beyoncé qu’un modèle de concours sur tête malléable? N’est-ce pas plutôt ce qui fait rêver les jeunes et les clientes en salon ?”, soupire-t-il.
Alors justement celui qui a coiffé les plus grandes stars est aujourd’hui prêt à partager son savoir-faire pour sublimer toutes les femmes. Afin qu’elles sortent de chaque salon heureuses et transformées. N’est-ce pas là le Graal ?
Aujourd’hui, Nicolas se démène pour créer une formation complémentaire à la coiffure, à l’exemple de ce qu’a fait Thierry Marx pour la cuisine. Alors que d’autres rechercheraient lauriers et prospérité, Nicolas Jurnjack prend son bâton de pèlerin. Un tel programme ne donnerait-il pas à tous le goût du métier ? Et de nouvelles ailes pour l’élever?
A 1994 Exposition au Louvre de Paper Hair. Coiffure en papier sur Olga Pantushenkova par Jeanloup Sieff, trois réalisations de Nicolas Jurnjack, sélectionnées par un jury prestigieux et exposées huit semaines.
2003 Directeur artistique beauté pour Vogue Australie : réalisation des couvertures du journal, des concepts beauty stories et shooting des plus grandes célébrités.
2017 In the Hair, son livre en français et anglais, une
conversation sur le cheveu et la coiffure.
Nicolas Jurnjack Passeur de beauté. Après avoir brigué et atteint l’excellence dans la coiffure de mode, Nicolas Jurnjack se lance un nouveau défi. Attiser le désir de coiffure auprès des jeunes en créant une formation complémentaire et raviver la flamme de la coiffure française.
Par Laure-Emmanuelle Bonilla
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Retrouvez sur www.echoscoiffure.fr
l’interview vidéo de Nicolas Jurnjack
Interview page 44-45 http://www.echoscoiffure.fr/project/echoscoiffure-68/
So how is he in real life, this backstage master? Snob, mundane? One does not spend more than thirty years on the planet of fashion without bearing some stigma. His speech is peppered with english expressions and he has a certain vision of the world at large. Disdainful, then? Oh, no. He is direct. Profound and light. And funny. He does not take himself too seriously with his laughing eyes and that very light southern accent that never left him. He is natural, extremely courteous, despite the glacial air he breathed as a child that still whispers at his back. The air that raised him and made everything a matter of life and death.
He quickly escaped his violent environment, to be accepted by the inner circles of Parisian fashion studios. Not without trials and tribulations. He cooled his heels at many a fashion magazine reception desk, but "the cause of an 18-year-old boy coming from the quartiers nords of Marseille did not interest anyone," he describes it in his book of conversations . Any ambitious young hairdresser should have it by their bedside.
Another do or die moment, when he risked a catastrophe was when Naomi Campbell walked for Alexander McQueen's decisive show for Givenchy wearing Nicolas' high-pitched hairstyle. He only had time to secure it with a single pin!
But today what drives the man, with a hundred plus covers of Vogue, to align himself with hairdressers?
A crazy project! The desire to transmit his knowledge and experience. To offer to others the opportunities and the culture that he had to seize with all his might, he who read his first book at 18, Au bonheur des Dames, a book he found in the street. But, he did not stop consuming the classics, literature and philosophy, historical works on hairdressing and biographies of artists. "I wanted to know what the artists had in their heads. Reading gave my thoughts legitimacy," he analyzes. Ultra-perfectionist Nicolas Jurnjack does not want to drown anyone under the glitz: talent is above all hours and hours of work, reflection, questioning in search of inspiration. And the hairdresser remains the last wheel of the coach of the shows. He must constantly adapt, bend to constraints, be malleable, swallow his ego.
But today, this prince of session hairstyling will not accept that hairdressing is no longer about dreams and France is losing its leadership. That the famous 'French Touch' is deserting fashion. Behind the flagship of the French brands are the creators not called Alexander McQueen, John Galliano or Stella McCartney? It is becoming the same for hairdressing, which is less and less held by the French.
Nicolas is sad to see that the job that saved him, built him, is no longer interested in 2017, sad to to see that the CFA Henry Croizat will close. "I met directors of institutions and the heads of the Chamber of Professions in Paris: out of 2000 pupils registered for hairdressing last year only 150 completed the course to take the CAP (certificat d'aptitude professionnelle), a vocational training diploma. It's not so surprising when you see what is taught, it is not in line with the times. Wouldn't it be better to teach them how to create, say, Beyoncé's hair? Isn't that what makes young people and clients dream ? ". He sighs.
The one who has styled the biggest stars is now ready to share his know-how, to cater to all women, so they leave the hair salon transformed, happy. Isn't that the Grail?
Today, Nicolas is working towards creating a complementary training course in hairdressing, following the example of what Thierry Marx did for cooking [offering theoretical and practical knowledge for real conditions.] While others would be seeking laurels and prosperity, Nicolas Jurnjack reaches for his teacher's baton. Wouldn't such a program give everyone a taste for the profession? And new wings to raise it up?
1994 Exhibition at the Louvre of Paper Hair. Paper hairstyle on Olga Pantushenkova by Jeanloup Sieff, three creations of Nicolas Jurnjack, selected by a prestigious jury and exhibited for eight weeks.
2003 Artistic beauty director for Vogue Australia: creating covers for the magazine, beauty stories and editorial stories with celebrities.
2017 In the Hair, his book in French and English, a
conversation about all aspects of hair and hairstyles.
Nicolas Jurnjack torchbearer for beauty. After competing for and achieving excellence in hairstyling, Nicolas Jurnjack sets himself a new challenge: to invigorate the hairdressing profession and attract a new generation by creating a complementary curriculum, and fanning the flame of French hairstyling.
By Laure-Emmanuelle Bonilla
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Video interview with Nicolas Jurnjack
Interview pages 44-45 at http://www.echoscoiffure.fr/project/echoscoiffure-68/ .